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Fin de cycle
20 août 2013

Hasard

Le hasard est le caractère imprévisible d'une chose. Dans sa version numérique, la quête d'une image issu du hasard semblait impossible. Pire, les expérimentations par le hasard ne formait plus qu'un laboratoire pour créer des éléments à intégrer dans des images bien construites. L'issue était inévitable: j'ai supprimé l'ordinateur. La moisissure psychédélique fut, de fait, la seule survivante de la purge, la seule à avoir une existence tangible. 

Le problème de la couleur semblait toutefois insolvable, impossible de faire des choix aléatoires à ce niveau sans que le résultat ne parvienne à un résultat convenable. Je me concentrai donc sur la forme et l'environnement de la moisissure. Le facteur mental pris de l'importance également. Il n'était plus question de passer le temps mais de le suspendre, se concentrer suffisamment pour réaliser le dessin le plus efficacement possible, lâcher suffisamment prise pour ne pas dessiner de formes volontaires. Deux mouvements de pensée contradictoires mais indispensables, leur alliance permettant l'application et libérant l'imagination. Le dessin était presque devenu une sorte de méditation, un instant de paix loin de tout. Un isolement partagé par la feuille et la moisissure qui s'y inscrit, une focalisation sur un monde mouvant. Ne plus faire que suivre la ligne qui court, ne plus être que la forme qui se referme, parcourir le dédale sans logique à mesure qu'il se construit. Ne plus dissocier le faire du penser.

Avoir un comportement mental adéquat me semblait important pour produire des formes aléatoires, essentiel même. Impossible en effet de produire des formes au hasard si on pense ces formes au préalable. Commencer à réfléchir m'amena à essayer de trouver un moyen adéquat de véhiculer la moisissure psychédélique, lui trouver un support sur lequel elle pourrait s'exprimer pleinement, et du coup savoir ce qu'elle exprimait. La réponse était simple à l'époque et l'est toujours: rien, la moisissure psychédélique ne représente rien, n'exprime rien. Mais comment trouver un support à une chose sans savoir quoi mettre en valeur? Je ne m'attardai à répondre à la question et me focalisait plutôt sur un des aspects de la moisissure psychédélique. Si je ne pouvais mettre en avant une chose reconnaissable, une représentation, je pouvais toujours me concentrer sur les qualités intrinsèques de la moisissure: ses formes, sa couleur. Et plus particulièrement une particularité de ces dernières: leur vivacité, leur luminosité. Le moyen le plus simple d'aviver les couleurs était de placer une source lumineuse derrière les moisissures. La découverte d'une peinture transparente et repositionnable fit mon bonheur: la moisissure put aller à la conquête du monde extérieur. Sous la forme de petits assemblages d'êtres multicellulaires colorés, voire pailletés, la moisissure se posa sur quelques cabines téléphoniques, chauffant ses couleurs au soleil tel un lézard.

En parallèle, je fis une expérience. Qu'est-il possible de produire quand on veut dessiner quelque chose d'aléatoire mais en ayant l'idée d'exprimer quelque chose? Garder le vide et la concentration et y ajouter une idée, ou plutôt une impression d'idée. Que l'état mental initial soit augmenté d'une sensation flottant comme un voile. Dessiner sous influence diffuse. Les moisissure prirent différentes formes: des formes bombées qui se déversent, des formes qui s'étirent, des formes qui se rejoignent, se divisent. La moisissure s'épanouissait, elle devenait plus vivante. L'expérience fut donc déclarée concluante. Mais son statut de départ posait un problème: combiner le hasard à une idée, fut-elle diffuse, revient à supprimer le hasard. Celui-ci ne peut exister que dans l'absence d'idée, là où l'indécision est reine. Car c'est seulement dans ce domaine qu'il peut surgir d'un endroit complément inattendu. L'impasse ne fut toutefois pas totale, les expériences sur la forme allait servir par la suite.

La moisissure avait conquis de nouveaux supports, depuis la feuille son point de départ jusqu'à la cabine téléphonique, en passant par la toile et le miroir. Elle a revêtu de nouvelles formes, plus organiques. Elle s'est parée de nouvelles couleurs, vives, acides. Elle était à son apogée. Et paradoxalement si loin de son but premier: le hasard. Ajouter une idée pour aider au dessin nuit au hasard. La couleur a exposé ses mécanismes mais est restée hermétique au hasard. J'en étais là quand la moisissure psychédélique a disparu. Instantanément et sans bruit. Comme un cobaye qu'on oublie dans sa cage une fois les expériences terminées.

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