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Fin de cycle
19 août 2013

Aléatoire 2

La moisissure psychédélique est née sur les bancs de mes études industrielles. Un avatar du désoeuvrement et de l'ennui durant les cours en amphi, superbe théâtre où un prof indifférent aux élèves se donne en spectacle devant un public indifférent à ses gesticulations, parfois même indifférent au discours. Une petite chose colorée, unicellulaire à l'époque, se mit à agrémenter les pages de mes cours de ses difformités. Etant alors persuadé que le dessin et les arts plastiques en général n'étaient qu'affaire d'oisifs, je ne fis pas réellement attention à la moisissure, la considérant comme une déviance mineure et sans danger. Elle disparut d'elle-même, tandis que de "les artistes sont des fumistes inutiles", je passais à "les artistes font des trucs mais ça ne sert à rien" et que je m'essayai, sous couvert d'apprentissage technique, aux logiciels de photomontage et de dessin. Et là, quelle ne fut pas ma surprise lorsque je découvris, offert à la vue de tous, des fonctions générant des nuages de façon aléatoire. De plus, le nombre de manipulations possibles ouvrait la porte à toutes sortes de choses aux couleurs mal agencées et aux formes improbables.

Entre les expériences psychédéliques et les assemblages d'ossements, la moisissure psychédélique a repris vie, voyant là l'occasion de pouvoir se parer de couleurs à moindre frais. Le dessin est fait au préalable à la main puis colorer sur ordinateur. Le dessin a commencé à prendre une signification: ce n'était plus la chose tracée dans l'indifférence mais un support à un état mental calme, absorbé par l'ouvrage. Le résultat fut de l'ordre du systématique, des pages remplies sans volonté d'organisation, sans ordre prémédité. S'absorber dans la confection de quelque chose d'aussi aléatoire oblige à ne pas penser à ce qu'on fait, se laisser guider par le stylo, la main ou la feuille. Laisser faire. C'est l'unique façon de pouvoir faire des choses au hasard. Je remplissais donc mes feuilles de moisissure puis j'ajoutais les couleurs à l'ordinateur. Et me retrouvai face à deux problèmes. Le premier: le choix des couleurs. En effet, la mise en couleur de façon aléatoire a rendu de mauvais résultat, un système s'est donc mis en place et amélioré avec le temps. Au fur et à mesure, je me suis rendu compte que l'unique moment où l'aléatoire pouvait pleinement intervenir était lors du choix de la première couleur, les autres en découlant. J'étais le prisonnier de mon propre système. Le second, la décorrélation entre le dessin et la mise en couleur. Autant la liberté était totale pendant le dessin, autant le choix des couleurs régi par un système était rigide. La seule possibilité était de fondre le choix de la couleur dans la forme, en groupant le cellules et créant, de fait, des formes au sein de la moisissure psychédélique. La création de moisissures psychéliques non plus sur des pages entières mais juste en tant que forme multicellulaire flottant sur la page ne put remédier au problème, elle ne fit que le contraindre dans un espace plus étroit. Le problème était de ne pas pouvoir créer la moisissure et la colorer en même temps, sous un régime aléatoire qui effacerait le système de la couleur. Et on en revient au point de départ: un choix inconsidéré de couleurs produit un mauvais résultat…

Parallèlement à cette impasse, mes errances au sein du psychédélisme numérique à base de nuages aléatoires m'amenèrent à un constat tout aussi fâcheux. Tous les résultats satisfaisants n'étaient que le résultat fortuit de multiples opérations choisis hasard et/ou produisant un résultat aléatoire. Au hasard ou presque car à l'instar des couleurs, un système s'est mis en place, utilisant uniquement les opérations compatibles entre elles, sélectionnant des formes particulières, des thèmes de couleurs particuliers. L'aléatoire s'en trouvait fortement réduit, de plus je me trouvais face à une limite similaire à celle révélée par la fonction random. Le nombre d'opérations différentes est limité, certaines formes ne sont accessibles que par des suites d'opérations, comment garantir l'aléatoire quand on sait déjà où regarder? Encore une fois, je fais face à la machine et son univers clos par ses capacités techniques à sa conception logique incapable de produire autre chose que ce qu'elle est capable de calculer. Comment l'obliger à produire une chose qu'elle ne peut pas calculer? Comment lui expliquer qu'il lui faut faire une chose qui n'a pas traversé ses circuits?

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