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Fin de cycle

9 octobre 2013

Primitif / Rage

La tête. La tête n'y était plus. Tout était affaire de mécanique, d'outillage, de technique. Technique du dessin de la forme, mécanique du mélange des couleurs, utilisation d'outils. Autant d'opérations qui pouvaient être réalisées par la main seule, laissant la tête se démener à trouver d'autres outils, d'autres façons d'accorder les couleurs, de produire le dessin. J'avais l'impression de tourner en rond, d'être un cyclone qui ramasse aux quatre coins tout ce qui peut agrémenter la toile, mais qui laisse intacte la zone de son oeil. Zone précise où se trouve justement l'idée viable. Pour pouvoir explorer cette zone, je devais m'arrêter de tourner ou bien m'éloigner pour contempler et étudier le désastre. Je choisis la première solution et arrêtai toute production, marquant une pause afin de me poser les bonnes questions. Et laisser la tête s'adonner à ses activités fétiches: la réflexion et la divagation.

Commençons par la réflexion…
L'une des premières questions fut: pourquoi la peinture? A mes yeux, accéder à la peinture s'apparentait à pénétrer un domaine particulier. On ne peut pas peindre n'importe quoi, on a pas le droit de peindre une toile en vue de décorer quelque élément que ce soit. Une peinture est un objet qui a une existence en soi, qui raconte une histoire, qui doit avoir un sens. C'est un savant assemblage de couleurs pour créer des effets particuliers. Pour résumer, quand on peint, on doit savoir pourquoi on le fait, quel est le résultat qu'on attend et quel sera l'effet de ce résultat. Tout doit être sous contrôle. Peindre une toile est comme construire un bâtiment: on doit avoir un plan détaillé avant toutes choses. Il me fallait donc un plan, ou plutôt il me fallait me rappeler mon plan initial, ma quête du hasard et m'en servir de fondation pour la construction de la toile. Mais comment concilier hasard et construction? Comment déterminer un ordre à partir du désordre? Avoir une idée de la toile à réaliser revient à en ôter tout hasard, la conduisant sur une route aux embranchements connus et limités en nombre et en longueur. Savoir quoi faire tout en ne sachant pas quoi faire, être appliqué à faire quelque chose qu'on ignore, reprendre fidèlement un désassemblage inconnu. Reproduire volontairement des formes et couleurs involontaires. Agencer une toile avec des couleurs et formes non déterminées. Non déterminé, involontaire. Voilà les deux mots qui me sauvèrent de la noyade. Peindre quelque chose d'indéterminé pour un résultat involontaire avec un effet, de fait, aléatoire. La production serait donc privée de sens originel, elle ne dévoilerait un sens qu'au fur et à mesure de son élaboration, ou n'en dévoilerait aucun, ou juste une partie. Le résultat serait donc toujours une surprise, quelque chose d'inattendu. Je savais ce que je devais faire, ou plutôt ce que je ne devais pas faire. Comment parvenir à ce résultat restait cependant une énigme. Et une énigme suffisamment ardue pour que fasse appel à la puissance de la divagation.
Une petite ballade dans ma mythologie personnelle m'amenait à y rencontrer le seul habitant: l'ermite moderne. Assis au beau milieu d'une forêt touffue, il m'a parlé de lui, de ce poisson qui évite les autres poissons en nageant, inconnu, parmi eux, et de sa vie perdue dans la multitude de la ville. Il m'a dit être un homme qui s'est éloigné de la vie pour jouir de l'existence, que cet acte lui a permis de devenir invisible aux yeux de tous les gens qui le croisent. Quoique méfiant quant à sa fiabilité, j'osai demandé au pittoresque personnage si par hasard il savait comment peindre quelque chose d'indéterminé pour un résultat involontaire avec un effet, de fait, aléatoire. La question le poussa dans une posture d'intense réflexion pour un long, très long moment. J'eus tout le loisir de m'apitoyer sur mon panthéon, me demandant pourquoi son unique représentant devait être un illuminé, un pauvre fou dans la solitude de sa forêt. Enfin, il me donna sa réponse: il me fallait une parfaite connaissance de la non-connaissance. J'allais émettre un borborygme de déception agacée lorsque je l'entendis retentir derrière moi. Je me retournai et fut happé par le spectacle d'un personnage gesticulant de tous ses membres. Il s'avéra que ces mouvements qui semblaient désordonnés fonctionnaient comme un langage que je parvins à comprendre au bout de quelques instants. Le nouvel arrivant m'apprit qu'il était l'homme des cavernes moderne, qu'il était muet, qu'il ne comprenait rien au charabia de l'ermite moderne, qu'il voudrait rentrer dans sa caverne, qu'il ne comprenait pas ce qu'il faisait là, qu'on lui a juste dit d'aller se promener dans la forêt et de voir si la question y était. Serait-il possible que cet hurluberlu, nouvel élu de mon panthéon de plus en plus minable, fut la réponse que j'attendais? L'homme des cavernes moderne, muet de surcroît.
Je voyageai vers des temps reculés, avant l'écriture. J'arrivai dans la peau d'un être petit, voûté et poilu fou amoureux de la cueilleuse au regard de biche carnivore de la tribu d'à côté. Je voulais lui dévoiler ma flamme mais comment le dire quand on est privé de la parole. Le feu me consumait de l'intérieur, je sentais les racines de mes poils commencer à brûler: il me fallait l'éteindre rapidement. Je courus dans la caverne aux provisions. J'avais l'habitude de la croiser ici et à chaque fois, de la voir fuir dès que je commençais à gesticuler mes mots. Peu de gens comprenaient le langage des gesticulations mais tout le monde connaissait son existence, aussi n'aurait-elle pas dû être effrayée. Malgré ces échecs, je devais réessayer cette fois-ci, peut-être avec des gesticulations moins enthousiastes. Elle n'était pas là. Je l'attendis en tournant en rond, comme l'esprit tourmenteur dans ma tête et le brasier rugissant dans mon corps. Plusieurs heures passèrent avant que les cueilleuses de retour m'apprirent que ma belle avait succomber sous le poids d'un ours herbivore maladroit. C'en fut trop, j'étais devenu le brasier et je m'écoulai dans la réserve, attrapant des poignées de fruits et les écrasant sur une peau de cerf carnivore qui trainait par là. Je la maculai jusqu'à ce qu'elle fut couverte d'un tapis de fruits colorés, diffusant mon feu dans leur jus, calmant ce tourbillon qui s'agite sous mon crâne. Et brusquement cette voix qui me dit d'aller me promener dans la forêt et d'y voir si la question y est.

En quoi l'homme des cavernes moderne est-il la réponse? Comment peut-il l'incarner? Je suis paralysé face à la toile, comme il est muet face à sa jolie cueilleuse. La profusion d'outils, de technique m'empêche de choisir comme il est confronté à une absence de choix due à sa méconnaissance totale des outils et gestes qui pourraient l'aider à s'exprimer. Ma grande possibilité d'action n'a d'égale que les maigres possibilités de la caverne aux provisions, qu'il arpentait furieusement, comme cette idée qui tournoie aux limites de ce que je peux saisir. Alors il faut la laisser s'en aller. Prendre le premier outil qui vient, le plus polyvalent, le plus pratique et le plus simple. Le plus rudimentaire possible. Le plus primitif. Il ne doit pas nécessiter une grande préparation, ne doit pas être d'un maniement complexe. Et pratique. La réponse se trouvait dans mes mains. Tout simplement le plus accessible, pratique et polyvalent que je puisse trouver. Le problème de l'outil résolu, il me fallait m'attaquer à celui de la couleur. Suivre la même procédure me semblait intéressant, aussi décidai-je de réduire les couleurs jusqu'à ne plus conserver que leurs sources, les trois couleurs primaires. Armé d'une multitude de possibilités, je m'apprêtais à porter la première couleur à la toile. Et rien. Ou plutôt tout. Tellement de possibilités que mes choix s'annulaient quelques instants après être nés. De nouveau, j'étais perdu au sein de la multitude. Et je tournais en rond. Je tournais sans autre but que d'essayer d'éteindre ce brasier qui me consumait. Ces possibilités tournoyantes me rongeaient impitoyablement et le feu finit par me déborder dans un souffle, se présentant par la même occasion: Rage je suis. Le feu brûla toutes les possibilités, ou plutôt les absorba pour qu'il n'y ait plus que le Feu, le réceptacle de toutes les possibilités.

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7 septembre 2013

Hasard 2

La quête du hasard se poursuivit sur la toile. La peinture semblait résoudre deux problèmes: la distinction entre dessin et couleur, et l'imperméabilité de la couleur au hasard.
Tous les dessins produits auparavant était en noir et blanc, composés uniquement de contours. La coloration venait ensuite. Passer sur la toile allait rassembler ces deux étapes en une, en supprimant les contours. Durant l'étape de coloration, celle-ci se faisait dans les limites des contours. Ayant disparus, ils laissaient la pleine possibilité à la couleur de s'étaler à sa guise, définissant ses propres contours. Enfin, la couleur se dessinait.
Quant à son imperméabilité au hasard, je tentais de la résoudre par la création des couleurs voulues par le biais des trois couleurs primaires. Je pouvais choisir les proportions de chacune au hasard, créant pour chaque toile un panel de couleurs aléatoires.
Armé de mon pinceau, je me lançais dans la production de quelques toiles, qui furent décevantes. Je me rendis vite compte que préparer mes couleurs revenait à limiter les possibilités et donc à éliminer le hasard. J'étais revenu à une sorte de système. Pis, la distinction entre couleur et dessin n'était plus car le dessin n'était plus, mais la distinction entre le choix de la couleur et la création de la forme ajoutait un nouveau problème. Ou plutôt révélait le véritable problème: comment réaliser en même temps le choix de la forme et celui de la couleur.
De plus, la création même des formes me semblait prendre trop de temps, appliqué que j'étais à tirer le meilleur que je pus d'instruments relativement nouveaux: pinceaux, couteaux. Je me sentais tributaire de leur bon vouloir, de leurs caprices et autres poils perdus.
Ce que je pensais être l'ultime étape dans ma quête du hasard n'était encore une fois qu'une impasse, d'autant plus cruelle que je l'avais déjà arpentée auparavant, avec un autre médium.

En y réfléchissant, il y avait bien une chose que j'avais mise de côté.

20 août 2013

Hasard

Le hasard est le caractère imprévisible d'une chose. Dans sa version numérique, la quête d'une image issu du hasard semblait impossible. Pire, les expérimentations par le hasard ne formait plus qu'un laboratoire pour créer des éléments à intégrer dans des images bien construites. L'issue était inévitable: j'ai supprimé l'ordinateur. La moisissure psychédélique fut, de fait, la seule survivante de la purge, la seule à avoir une existence tangible. 

Le problème de la couleur semblait toutefois insolvable, impossible de faire des choix aléatoires à ce niveau sans que le résultat ne parvienne à un résultat convenable. Je me concentrai donc sur la forme et l'environnement de la moisissure. Le facteur mental pris de l'importance également. Il n'était plus question de passer le temps mais de le suspendre, se concentrer suffisamment pour réaliser le dessin le plus efficacement possible, lâcher suffisamment prise pour ne pas dessiner de formes volontaires. Deux mouvements de pensée contradictoires mais indispensables, leur alliance permettant l'application et libérant l'imagination. Le dessin était presque devenu une sorte de méditation, un instant de paix loin de tout. Un isolement partagé par la feuille et la moisissure qui s'y inscrit, une focalisation sur un monde mouvant. Ne plus faire que suivre la ligne qui court, ne plus être que la forme qui se referme, parcourir le dédale sans logique à mesure qu'il se construit. Ne plus dissocier le faire du penser.

Avoir un comportement mental adéquat me semblait important pour produire des formes aléatoires, essentiel même. Impossible en effet de produire des formes au hasard si on pense ces formes au préalable. Commencer à réfléchir m'amena à essayer de trouver un moyen adéquat de véhiculer la moisissure psychédélique, lui trouver un support sur lequel elle pourrait s'exprimer pleinement, et du coup savoir ce qu'elle exprimait. La réponse était simple à l'époque et l'est toujours: rien, la moisissure psychédélique ne représente rien, n'exprime rien. Mais comment trouver un support à une chose sans savoir quoi mettre en valeur? Je ne m'attardai à répondre à la question et me focalisait plutôt sur un des aspects de la moisissure psychédélique. Si je ne pouvais mettre en avant une chose reconnaissable, une représentation, je pouvais toujours me concentrer sur les qualités intrinsèques de la moisissure: ses formes, sa couleur. Et plus particulièrement une particularité de ces dernières: leur vivacité, leur luminosité. Le moyen le plus simple d'aviver les couleurs était de placer une source lumineuse derrière les moisissures. La découverte d'une peinture transparente et repositionnable fit mon bonheur: la moisissure put aller à la conquête du monde extérieur. Sous la forme de petits assemblages d'êtres multicellulaires colorés, voire pailletés, la moisissure se posa sur quelques cabines téléphoniques, chauffant ses couleurs au soleil tel un lézard.

En parallèle, je fis une expérience. Qu'est-il possible de produire quand on veut dessiner quelque chose d'aléatoire mais en ayant l'idée d'exprimer quelque chose? Garder le vide et la concentration et y ajouter une idée, ou plutôt une impression d'idée. Que l'état mental initial soit augmenté d'une sensation flottant comme un voile. Dessiner sous influence diffuse. Les moisissure prirent différentes formes: des formes bombées qui se déversent, des formes qui s'étirent, des formes qui se rejoignent, se divisent. La moisissure s'épanouissait, elle devenait plus vivante. L'expérience fut donc déclarée concluante. Mais son statut de départ posait un problème: combiner le hasard à une idée, fut-elle diffuse, revient à supprimer le hasard. Celui-ci ne peut exister que dans l'absence d'idée, là où l'indécision est reine. Car c'est seulement dans ce domaine qu'il peut surgir d'un endroit complément inattendu. L'impasse ne fut toutefois pas totale, les expériences sur la forme allait servir par la suite.

La moisissure avait conquis de nouveaux supports, depuis la feuille son point de départ jusqu'à la cabine téléphonique, en passant par la toile et le miroir. Elle a revêtu de nouvelles formes, plus organiques. Elle s'est parée de nouvelles couleurs, vives, acides. Elle était à son apogée. Et paradoxalement si loin de son but premier: le hasard. Ajouter une idée pour aider au dessin nuit au hasard. La couleur a exposé ses mécanismes mais est restée hermétique au hasard. J'en étais là quand la moisissure psychédélique a disparu. Instantanément et sans bruit. Comme un cobaye qu'on oublie dans sa cage une fois les expériences terminées.

19 août 2013

Aléatoire 2

La moisissure psychédélique est née sur les bancs de mes études industrielles. Un avatar du désoeuvrement et de l'ennui durant les cours en amphi, superbe théâtre où un prof indifférent aux élèves se donne en spectacle devant un public indifférent à ses gesticulations, parfois même indifférent au discours. Une petite chose colorée, unicellulaire à l'époque, se mit à agrémenter les pages de mes cours de ses difformités. Etant alors persuadé que le dessin et les arts plastiques en général n'étaient qu'affaire d'oisifs, je ne fis pas réellement attention à la moisissure, la considérant comme une déviance mineure et sans danger. Elle disparut d'elle-même, tandis que de "les artistes sont des fumistes inutiles", je passais à "les artistes font des trucs mais ça ne sert à rien" et que je m'essayai, sous couvert d'apprentissage technique, aux logiciels de photomontage et de dessin. Et là, quelle ne fut pas ma surprise lorsque je découvris, offert à la vue de tous, des fonctions générant des nuages de façon aléatoire. De plus, le nombre de manipulations possibles ouvrait la porte à toutes sortes de choses aux couleurs mal agencées et aux formes improbables.

Entre les expériences psychédéliques et les assemblages d'ossements, la moisissure psychédélique a repris vie, voyant là l'occasion de pouvoir se parer de couleurs à moindre frais. Le dessin est fait au préalable à la main puis colorer sur ordinateur. Le dessin a commencé à prendre une signification: ce n'était plus la chose tracée dans l'indifférence mais un support à un état mental calme, absorbé par l'ouvrage. Le résultat fut de l'ordre du systématique, des pages remplies sans volonté d'organisation, sans ordre prémédité. S'absorber dans la confection de quelque chose d'aussi aléatoire oblige à ne pas penser à ce qu'on fait, se laisser guider par le stylo, la main ou la feuille. Laisser faire. C'est l'unique façon de pouvoir faire des choses au hasard. Je remplissais donc mes feuilles de moisissure puis j'ajoutais les couleurs à l'ordinateur. Et me retrouvai face à deux problèmes. Le premier: le choix des couleurs. En effet, la mise en couleur de façon aléatoire a rendu de mauvais résultat, un système s'est donc mis en place et amélioré avec le temps. Au fur et à mesure, je me suis rendu compte que l'unique moment où l'aléatoire pouvait pleinement intervenir était lors du choix de la première couleur, les autres en découlant. J'étais le prisonnier de mon propre système. Le second, la décorrélation entre le dessin et la mise en couleur. Autant la liberté était totale pendant le dessin, autant le choix des couleurs régi par un système était rigide. La seule possibilité était de fondre le choix de la couleur dans la forme, en groupant le cellules et créant, de fait, des formes au sein de la moisissure psychédélique. La création de moisissures psychéliques non plus sur des pages entières mais juste en tant que forme multicellulaire flottant sur la page ne put remédier au problème, elle ne fit que le contraindre dans un espace plus étroit. Le problème était de ne pas pouvoir créer la moisissure et la colorer en même temps, sous un régime aléatoire qui effacerait le système de la couleur. Et on en revient au point de départ: un choix inconsidéré de couleurs produit un mauvais résultat…

Parallèlement à cette impasse, mes errances au sein du psychédélisme numérique à base de nuages aléatoires m'amenèrent à un constat tout aussi fâcheux. Tous les résultats satisfaisants n'étaient que le résultat fortuit de multiples opérations choisis hasard et/ou produisant un résultat aléatoire. Au hasard ou presque car à l'instar des couleurs, un système s'est mis en place, utilisant uniquement les opérations compatibles entre elles, sélectionnant des formes particulières, des thèmes de couleurs particuliers. L'aléatoire s'en trouvait fortement réduit, de plus je me trouvais face à une limite similaire à celle révélée par la fonction random. Le nombre d'opérations différentes est limité, certaines formes ne sont accessibles que par des suites d'opérations, comment garantir l'aléatoire quand on sait déjà où regarder? Encore une fois, je fais face à la machine et son univers clos par ses capacités techniques à sa conception logique incapable de produire autre chose que ce qu'elle est capable de calculer. Comment l'obliger à produire une chose qu'elle ne peut pas calculer? Comment lui expliquer qu'il lui faut faire une chose qui n'a pas traversé ses circuits?

18 août 2013

Aléatoire

Je me souviens encore de ma première rencontre avec l'aléatoire: devant mon ordinateur, en train de tester un programme longuement recopié d'un bouquin. Ca fonctionne comme prévu. Un petit avion de pixels tire des rayons lasers. Bien. Ne reste plus qu'à modifier le code pour que ça marche moins bien. Forcément, ce sera plus intéressant. C'est au détour d'une de ses pérégrinations destructrices que j'ai découvert la fonction random qui génère un nombre aléatoire. L'ordinateur ne fait qu'exécuter des ordres précis, par le biais de cette fonction on peut lui donner un ordre aléatoire, le must de l'imprécision. Dans quel but donner un ordre imprécis? Pourquoi vouloir perdre le contrôle que l'on a de plein droit sur la machine? Ou peut-être est-ce le moyen de la rendre folle? Aucune de ces pensées ne me traversa l'esprit à ce moment-là, je ne voyais qu'un moyen de transformer un jeu bien construit en un triangle arc-en-ciel virevoltant sur un fond clignotant, avec un fond sonore évoquant un vent fort dans un micro. Et injouable évidemment. Là où j'aurais pu jouer pendant une heure à un jeu assez peu intéressant, je passais un temps indéfini à regarder l'amas de couleurs perpétuellement changeantes, à essayer les commandes du jeu, faisant des paris toujours perdus sur ce qui allait se produire. J'ai passé un certain temps à jouer à ce générateur d'épilepsie et en ai produit d'autres par la suite, toujours par la modification d'un programme fonctionnant correctement.

Et c'est ainsi que la fonction random est devenu ma fonction fétiche, celle sans laquelle je me sens perdu. Quoi de plus absolument essentiel que d'introduire de l'aléatoire dans les rouages d'une machine et la regarder agir au hasard? Le hasard. Voilà la source des merveilles. Rien qu'un nombre choisi au hasard. Mais comment? Comment une machine, cette chose froide et logique peut-elle engendrer une chose chaude et illogique? A creuser la question, je finis par découvrir qu'un algorithme se cachait derrière le "hasard" de la machine. Pour générer un nombre aléatoire, la machine joue au garde forestier: elle prend une graine d'arbre, la plante, regarde l'arbre pousser. Le nombre de branches est le nombre aléatoire final. Ca semble plutôt fiable. Sauf que la graine ne peut créer qu'une seule espèce d'arbre, qui vivront tous dans les mêmes conditions connues. Ce qui réduit à un champ visible ce qui aurait dû n'avoir ni début ni fin. Une zone bien définie. Même si la zone est suffisamment vaste pour avoir un nombre aléatoire, cela reste une illusion. Le hasard n'existe pas dans les machines.

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